Carte postale confinée – Clotilde Wuthrich

Carte postale confinée – Clotilde Wuthrich

Un boustrophédon pour L-Imprimerie

Chère L-Imprimerie,

Le boustrophédon, c’est la forme d’expression qui correspond le mieux à la double pratique à laquelle je me consacre d’ordinaire quand je suis avec toi, à l’atelier: le tissage et l’écriture – même si c’est vrai que mon écriture est d’habitude plutôt d’un genre critique ou scientifique.

Un boustrophédon, c’est une forme d’écriture dont le sens de lecture change alternativement d’une ligne sur l’autre, à la manière du bœuf (bous en grec) marquant des sillons dans un champ (strophein : tourner) quand il laboure de droite à gauche puis de gauche à droite et ainsi de suite.

Un boustrophédon, c’est le cadeau que je te fais, ma chère L-Imprimerie ; un cadeau en forme de vœu pour notre avenir à toutes et tous: à l’issue de notre éloignement forcé pendant presque deux mois, j’aimerais que, comme un boustrophédon ou comme une étoffe qu’on façonne une ligne après l’autre avec autant de passion que de patience sur le métier à tisser, j’aimerais que notre avenir se construise à l’aune de la reconstitution des liens qui se sont usés dans nos contrées: nos liens à nous-même, aux autres humain·e·s, et aussi aux autres représentant·e·s du monde vivant.

C’est une des raisons pour lequelles je te chéris tant L-Imprimerie, toi et tes habitant·e·s, parce que je crois que nous partageons cette attention pour le vivant. J’aimerais tant que le monde tout entier devienne ainsi «tisserand»: pour que nous puissions enfin «réparer ensemble le tissu déchiré du monde» (Abdennour Bidar).

Clotilde

Réparer ensemble le tissu déchiré du monde vivant