Carte postale confinée – Laure Bonnevie

Chère L-Imprimerie,

On ne va pas se mentir, tu me manques.

Depuis qu’on est séparées, toi et moi, plus moyen de m’inspirer en allant renifler ce qu’il se passe chez les céramistes, ou regarder le métal en fusion chez les bijoutières. Plus moyen de reprendre une bouffée d’air en déambulant d’un espace à l’autre, d’une créativité à l’autre.

Les premiers jours, je coupais les journées en faisant de grandes balades à vélo, à toute vitesse au bord du lac. A un moment, je ne sais plus trop quand, j’ai commencé à avoir peur qu’on n’ait plus le droit de sortir du tout. Alors, je l’ai pris en photo chaque jour. Et puis, j’ai enregistré son souffle, plusieurs fois, pour l’avoir avec moi. Au cas où. Pour me le repasser en boucle au cas où il ne resterait plus que cela.

Et puis, en y réfléchissant bien, on ne s’est jamais tout à fait quittées, toi et moi. Je collectionne des rouleaux de PQ vides pour un projet de Sylvie, j’ai fait une longue balade avec Caroline, causé marathon avec Marie-Pierre au bord du lac, vu Valérie, Jonas et Stéphanie, les rares fois où je suis venue te voir. Et puis, j’élève un petit du « vilain », le levain que Clotilde m’a donné, j’ai écrit dans un atelier en ligne d’Amélie. Sa boite à lait est devenue une boite à livres. On a aussi fait des apéro-zoom avec tout ton petit monde…

Tu vois, finalement, je me demande même si toute cette absence ne m’aurait pas rapprochée de toi, et de toutes les inspirations qui suintent de tes murs. Curieusement, ce ne sont pas les mots qui me viennent ces temps. Au contraire même, en ce moment, eux et moi, on serait plutôt en froid, tu vois… Non, ce qui me vient, là, au bout des doigts, c’est plutôt la matière, les formes, les tissus.

Alors, je gribouille, je découpe, je cherche des associations, j’explore je ne sais pas trop quoi. Un jour, ça a donné un printemps en ligne de crête, entre « ça va bien » et « ça va pas », entre des flux d’énergie, des nœuds et des couleurs.

Ben, tu vois, ça, Chère L-Imprimerie, j’aimerais bien que ça continue après, quand on se retrouvera pour de bon, toi et moi.

En attendant, prends soin de toi, d’accord ?

Laure