Carte postale confinée – Michèle Rochat

INSIDE THE WHITE CUBE

Chère Imprimerie,

J’espère que tu vas bien. Tu me manques un peu et ça tombe bien car justement, je pensais à toi et à notre exposition prévue en ton sein et qui n’a pas encore pu avoir lieu. À ce titre, je voulais te faire part d’un passage de L’atelier et le cube, un texte de Brian O’Doherty où il est question du rapport entre le lieu où l’art est fabriqué et le lieu où l’art est exposé:

«Tandis qu’une œuvre est travaillée, les autres, achevées ou inachevées, sont en attente dans une zone intermédiaire, empilées l’une sur l’autre en une sorte de collage de temporalités compressées. Toutes sont au plus proche de leur source de légitimité, l’artiste. Tant qu’elles demeurent dans l’orbite de l’artiste, elles sont susceptibles d’altération, de révision, et donc potentiellement inachevées. Elles sont placées, et avec elles l’atelier, sous le signe du processus : c’est lui qui détermine le temps propre de l’atelier ; bien différent du temps étale, blanc, toujours conjugué au présent, qui est celui de la galerie. Le temps de l’atelier est un faisceau mouvant de temporalités.»

Brian O’Doherty, «L’atelier et le cube»,
in White Cube, l’espace de la galerie et son idéologie,
Zürich, JRP Ringier, 2008, p. 173.

Il me semble que c’est bien ce qui nous intéresse dans notre projet d’exposition, non? Se donner la possibilité de montrer notre contexte de création, de faire partager in situ ce qui nous anime : nos réflexions, nos essais, nos erreurs, nos explorations, nos bricolages, nos gestes, nos outils et nos processus, sans oublier d’ajouter le foisonnement de nos échanges. Comme nous sommes une bonne quinzaine à partager ton espace, on peut admettre que ça représente une somme de faisceaux de temporalités qui se mélangent, se superposent et interagissent.

Je dois t’avouer que ces temps de partages spontanés, d’avant les gestes barrières, me manquent un peu. Alors depuis les quatre murs de mon appartement (cet autre «cube blanc» du confinement) et afin de t’assurer de mon impatience de te retrouver, je t’offre ce gif conçu comme une nouvelle expérience, une ultime possibilité de communiquer à travers un espace qui n’est plus que bidimensionnel: le rectangle de nos écrans.

Becs,

Michèle