Glossaire sensible, le 16 avril à Genève

Laure Bonnevie a écrit un texte sur sa définition du territoire , qui a été retenu avec une trentaine d’autres contributions pour le lancement du «Glossaire SENSible» du Grand Genève.

Porté par l’association GENius Loci, le Glossaire SENSible est un outil d’appropriation et de décryptage du territoire. Au delà d’un simple lexique, il a pour ambition de faciliter la compréhension mutuelle, interdisciplinaire et transfrontalière. Chaque contributeur.trice devait donner sa «définition sensible» d’un mot parmi: résilience, identité, bien commun et territoire.

Le lancement du projet a lieu le mardi 16 avril à 16h à Uni Mail, à Genève. Avec trois artistes qui produiront des oeuvres sur leur propre perception de ces mots.

Les 35 contributions (plasticiens, écrivains, sociologues, historiens, chorégraohes, travailleurs sociaux, urbanistes, citoyens, etc.) seront visibles à cette occasion.


 

Territoire

Mon territoire était le monde.
Pays, villes, cultures, climats, paysages, histoires… Des épingles piquées sur une planisphère, une collection de tampons dans un passeport. Mon territoire était sans limite. Mon territoire était sans frontière. Mon territoire était le monde. Il ne me suffisait pas.

Mon territoire est mon petit bout de jardin. L’allée dont je connais les enfants. Le cerisier en fleurs au coin de la rue, l’herbe folle crevant le bitume, le halo de pleine lune grignoté par le bâtiment d’en face. Il s’interpelle en espagnol, en turc, en éthiopien, en sri lankais.

Mon territoire est l’étoile de mes trajets. À vélo, pour une course en ville, un rendez-vous, un apéroterrasse. Il est l’air vif dans les cheveux, les bribes de mots saisis. Une vapeur d’essence. Un reflet de lac.

Mon territoire est une gare en mutation d’où surgissent d’interminables rubans de foules. Un chantier à ciel ouvert. Des ferrailles et du béton. Des hommes en casques et gilets jaunes. Une immense grue. Un quai tout neuf. Des couverts découverts. Les prémices d’un «Rayon vert». Des larmes. Des souvenirs.
Une transition.

Mon territoire est un train de pendulaires. Ses geek, ses méditants, ses «parlants», ses «au-radar», ses pressés, ses stressés, ses ronfleurs, ses «gonfleurs», ses touristes perdus dans cette horde de «travaillants», leurs valises dans le passage.

Mon territoire est un collectif d’artistes au-dessus du Flon.
Mon territoire est une coopérative d’entrepreneur.e.s aux Augustins.

Mon territoire est un kaléidoscope. Jamais le même et toujours lui. Il se déplie et se déploie sous mes coups de pédales, au fil des rails. Pétri d’habitudes sans cesse bouleversées, de détours salvateurs et d’interstices enchanteurs.

Mon territoire est une chronologie dont les visages font le récit.
Mon territoire est une géographie mouvante.
Mon territoire est un monde.

Laure Bonnevie – Histoire de mots